Lettre aux CSE – Mai 2025

« Tout travailleur participe, par l'intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises ».

I. Législation - Quelques rappels

Intégration dans la BDESE « supplétive » d'informations sur l’impôt sur les bénéfices

Dans le cadre des informations relatives au partage de la valeur, un décret du 5 juillet 2024 prévoit l’insertion d’une nouvelle information dans les règles supplétives de la base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE), à savoir celles applicables en l’absence d’accord d’entreprise ou de branche définissant le contenu de la BDESE [c. trav. art. R. 2312-8 et R. 2312-9).

Dans la section « Fonds propres, endettement et impôts », les informations relatives aux « Impôts et taxes » doivent désormais comprendre les informations contenues dans le rapport relatif à l’impôt sur les bénéfices. Ce rapport doit être établi par toute société commerciale qui ne contrôle ni n’est contrôlée par une autre société (voir c. com. art. L. 233-16, II et III), qui a un établissement stable à l’étranger, et qui réalise, à la clôture de deux exercices consécutifs, un chiffre d’affaires net de plus de 750 millions d’euros (c. com. art. L. 232-6 et D. 232-8-1).

Décret 2024-690 du 5 juillet 2024, art. 2, JO du 6

ASC du CSE et interdiction du critère d’ancienneté : l'URSSAF accorde un délai de mise en conformité

Compte tenu de la position adoptée par la Cour de cassation en avril dernier, les CSE ayant mis en place une condition d’ancienneté dans l’attribution des œuvres sociales et culturelles doivent revoir leur politique d’attribution. Dans le cas contraire, ils risquent de perdre le bénéfice des exonérations de cotisations et contributions sociales attachées à certaines ASC

Pour permettre aux CSE de se mettre en conformité avec la jurisprudence, l’URSSAF caisse nationale accorde aux CSE un délai de mise en conformité qui va jusqu’au 31 décembre 2025. Dans l’intervalle, si un contrôle met en évidence une condition d’ancienneté (dans la limite de 6 mois), il leur sera demandé de se mettre en conformité avec la jurisprudence pour l’avenir. En creux, cela signifie qu’à partir de 2026, en cas de contrôle, l’URSSAF pourra effectuer un redressement de cotisations en présence d’une condition d’ancienneté.

Actualité URSSAF du 30 juillet 2024 ; Guide URSSAF sur les CSE actualisé au 2 août 2024

II. Jurisprudence

Depuis le début de l’année 2024, plusieurs décisions de justice ont clarifié et renforcé les règles relatives aux comités sociaux et économiques (CSE). Voici une synthèse des jurisprudences les plus marquantes, classées par thématique.

L’accord conclu dans le périmètre d’une UES est un accord d’entreprise

Pour la première fois à notre connaissance, la Cour de cassation décide, dans un arrêt du 13 mars 2024, que l’accord conclu dans le périmètre d’une unité économique et sociale «UES» est un accord d’entreprise (Cass. soc. 13 mars 2024, n°22-14.004).

Après avoir jugé, par un arrêt du 6 mars 2024 (Cass. soc. 6 mars 2024, n°22-13.672), que l’accord de configuration de l’UES n’est pas un accord interentreprises de sorte que toutes les organisations syndicales représentatives au sein des entités composant l’UES ont vocation à participer à sa négociation, la Cour de cassation poursuit sa construction jurisprudentielle concernant l’UES dont le régime juridique n’a jamais été pleinement défini par le législateur.

Cass. soc. 13 mars 2024, n°22-14.004

Pas de condition d'ancienneté pour accéder aux activités sociales du CSE

Un arrêt de la Cour de cassation du 3 avril 2024 clôt le débat. Un CSE ne peut pas fixer une condition d’ancienneté pour bénéficier des activités sociales et culturelles. Par conséquent, les CSE qui réservent le bénéfice de leurs ASC à partir d’une certaine ancienneté dans l’entreprise devront revoir leurs pratiques.

Cass. soc. 3 avril 2024, n° 22-16812

Congés payés acquis au-delà d’un an d’arrêt de travail pour AT/MP : la loi n’est pas rétroactive, mais les salariés peuvent quand même prétendre à des droits

La disposition législative de la loi du 22 avril 2024 permettant aux salariés d’acquérir des congés payés au titre de la fraction d’arrêt de travail pour accident du travail (AT) ou maladie professionnelle (MP) supérieure à un an n’est pas d’application rétroactive. Mais les salariés peuvent quand même réclamer les droits correspondants pour les périodes antérieures au 24 avril 2024, en s’appuyant sur le raisonnement tenu par la Cour de cassation dans ses arrêts du 13 septembre 2023.

Cass. soc. 2 octobre 2024, n° 23-14806

PSE : la consultation du CSE sur le volet risques psychosociaux n’implique pas de rendre un avis spécifique

Dans un arrêt du 15 octobre 2024, le Conseil d’État complète sa jurisprudence sur le volet « santé » des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Le juge administratif y affirme que la consultation du CSE quant aux mesures prévues par l’employeur pour prévenir et protéger les salariés contre les risques psychosociaux (RPS) engendrés par la réorganisation n’a pas à donner lieu à un avis spécifique.

CE, 15 octobre 2024, n° 488496

S’il peut entrer en contact avec les salariés travaillant chez des clients, le CSE ne peut pas invoquer un trouble manifestement illicite

Les élus CSE doivent pouvoir entrer en contact avec un salarié à son poste de travail, y compris si celui-ci travaille chez des clients. L’employeur qui les en empêche, hors des réserves autorisées, peut être contraint par le juge, sous astreinte, de délivrer les informations nécessaires. Une décision du 27 novembre 2024 illustre les obligations de l’employeur à cet égard lorsque les salariés travaillent chez des entreprises clients.

Cass. soc. 27 novembre 2024, n° 22-22145

Conséquence de l’absence de consultation du CSE lors d’un projet de réorganisation

Le juge des référés peut, en l’absence de consultation du CSE sur un projet de réorganisation de l’entreprise, prendre les mesures appropriées pour faire cesser ce trouble manifestement illicite. À ce titre, il peut ordonner sous astreinte la consultation du CSE même si la mesure en question est entrée en vigueur et ne peut plus être suspendue. Mais il n’est pas obligé d’accorder une provision pour dommages et intérêts.

Cass. soc. 27 novembre 2024, n° 23-13806

Licenciement économique d’un salarié protégé : les offres de reclassement doivent être précises

L’autorité administrative saisie d’une demande de licenciement pour motif économique d’un salarié protégé doit vérifier que les offres de reclassement qui lui ont été proposées par l’employeur comportent toutes les mentions prévues par le code du travail et qu’elles sont aisément accessibles.

CE 2 décembre 2024, n° 488033

Un CSE peut produire des témoignages anonymisés pour prouver le risque grave justifiant une expertise

Par le passé, la Cour de cassation a déjà admis que des témoignages anonymisés soient des preuves recevables devant le juge. Aujourd’hui, elle applique sa jurisprudence au cas d’un CSE qui entendait prouver le risque grave justifiant son recours à un expert habilité.

Cass. soc. 11 décembre 2024, n° 23-15154

La clause du PSE conditionnant le versement d'indemnités à l'absence d'action en justice est nulle

Une clause d’un PSE qui prévoit que le versement de certaines indemnités est subordonné à l’absence d’action en justice est illicite car elle porte atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice. Même si la clause n’a pas été appliquée par l’employeur, tant que son caractère illicite n’est pas sanctionné, elle fait planer une certaine pression sur les salariés, occasionnant par là même un préjudice qui doit être réparé.

Cass. soc. 22 janvier 2025, n° 23-11033

Représentants du personnel : la garantie d'évolution de leur rémunération doit-elle tenir compte des augmentations liées aux promotions des autres salariés ?

La Cour de cassation s’est de nouveau penchée sur la garantie d’évolution de la rémunération des représentants du personnel à l’occasion d’une affaire jugée le 22 janvier 2025. En l’absence de tout salarié relevant de la même catégorie professionnelle, il faut tenir compte des augmentations générales et individuelles, y compris, précise la Cour, des augmentations individuelles résultant d’une promotion. Elle admet que les documents des NAO peuvent constituer une base de référence objective, quand bien même ces documents ne distinguent pas les augmentations générales et les augmentations individuelles.

Cass. soc. 22 janvier 2025, n° 23-20466

Indemnité transactionnelle : pas de cotisations sur les sommes réparant un préjudice

Dans une affaire jugée le 30 janvier 2025, la Cour de cassation a réaffirmé un principe établi depuis 2018 et repris par le Bulletin officiel de la sécurité sociale : en présence d’une indemnité transactionnelle réparant un préjudice, la fraction correspondante doit être exonérée de

cotisations. Mais cette affaire apporte aussi une clarification : si nécessaire, l’exclusion d’assiette vaut sur le montant entier de l’indemnité, y compris au-delà de deux fois le plafond annuel de la sécurité sociale.

Cass. civ., 2e ch., 30 janvier 2025, n° 22-18333

Contestation d’une expertise du CSE : précisions sur le point de départ et l'expiration du délai de 10 jours

Dans un arrêt publié du 5 février 2025, la Cour de cassation précise, que le délai de 10 jours imparti à l’employeur pour contester une expertise décidée par le CSE ne commence à courir qu’à compter du lendemain de la délibération du CSE ou de la notification des informations à l’employeur, selon l’objet de sa contestation, et non le jour même de cette délibération ou notification. Par ailleurs, si le délai expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Cass. soc. 5 février 2025, n° 22-21892

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Gérard Lejeune

Expert- Comptable