EURO COMPTA ANALYSE

La mission légale de l’expert-comptable du CSE de vérification de la RSP*

La mission légale de l’expert-comptable du CSE de vérification de la RSP*

Depuis 1967 1, la participation légale et obligatoire des salariés aux résultats de l’entreprise d’une certaine taille constitue un des éléments du système de rémunération français. Au fil des ans, les éléments variables (participation, intéressement, primes…) représentent une part de plus en plus importante de la rémunération globale au sein des entreprises. La loi PACTE a d’ailleurs pris des mesures incitatives en ce sens. Si la formule de calcul légale de la réserve spéciale de participation traduit la volonté d’un partage du profit qui associe financièrement et collectivement les salariés aux résultats de l’entreprise, les éléments qui la composent sont complexes, ce qui justifie la possibilité pour le CSE de nommer un expert-comptable pour l’assister dans l’analyse du rapport de l’employeur ad hoc.

Rappel de la formule légale de la réserve de participation

Les entreprises employant habituellement cinquante salariés et plus garantissent le droit de leurs salariés à participer aux résultats de l’entreprise 2 par le biais de la formule suivante :

 

 

Le bénéfice fiscal (déterminé et encadré par le CGI) doit être supérieur à 5 % du capital investi par les actionnaires (un rendement raisonnable du capital investi par les actionnaires – à comparer avec les demandes parfois exigées par les marchés financiers).
Cette quote-part du bénéfice – divisée par deux – est répartie en fonction du ratio entre les salaires et la valeur ajoutée.
Cette formule minimale, peut être améliorée sur ses différents termes (autrefois les entreprises y étaient encouragées par le mécanisme de la PPI – Provision Pour Investissement).

L’employeur calcule la participation des salariés et présente un rapport au CSE

Obligation pour l’employeur d’établir un rapport

L’Article D3323-13 du Code du travail 3 précise :
« L’employeur présente, dans les six mois qui suivent la clôture de chaque exercice, un rapport au comité social et économique ou à la commission spécialisée éventuellement créée par ce comité. Ce rapport comporte notamment :
1° les éléments servant de base au calcul du montant de la réserve spéciale de participation des salariés pour l’exercice écoulé ;
2° des indications précises sur la gestion et l’utilisation des sommes affectées à cette réserve ».
Le calcul du montant de la participation, simple en apparence, donne lieu à de fréquentes erreurs, parfois cumulées sur plusieurs années. C’est pour cette raison que le législateur a instauré une vérification du calcul de la RSP et de sa répartition par un expert-comptable indépendant nommé par le CE/CSE. Notons que cette mission est la seule mission de vérification comptable, parmi les missions légales qu’un CE/CSE peut confier à un expert-comptable en vertu des dispositions du Code du Travail.

LE CSE peut nommer un expert-comptable pour l’assister dans l’analyse du rapport

L’article D3323-14 du Code de travail 4, quant à lui précise :
« Lorsque le comité social et économique est appelé à siéger pour examiner le rapport relatif à l’accord de participation, les questions ainsi examinées font l’objet de réunions distinctes ou d’une mention spéciale à son ordre du jour. Le comité peut se faire assister par l’expert-comptable prévu à l’article L. 2325-35. » [Anc. art. R. 442-19, al. 5].

La création des CSE n’a pas modifié la possibilité de se faire assister par un expert-comptable pour l’examen lié à la réserve spéciale de participation.

Notons qu’auparavant, dans le cadre de l’examen annuel des comptes par l’expert-comptable nommé par le CE, les vérifications effectuées sur la réserve de participation étaient considérées comme relevant de travaux compris dans le cadre de la mission d’examen des comptes annuels, et de ce fait, étaient prises en charge en totalité par l’employeur 5.

Cadre général de la mission d’assistance de l’expert-comptable

Le CSE peut, le cas échéant, sur proposition des commissions constituées en son sein, décider de recourir à un expert-comptable 6 :

  • en vue des trois consultations récurrentes ;
  • pour les consultations ponctuelles relatives aux opérations de concentration, à l’exercice du droit d’alerte économique, aux projets de licenciement économique d’au moins 10 salariés dans une entreprise d’au moins 50 salariés, aux offres publiques d’acquisition ou afin qu’il apporte toute analyse utile aux organisations syndicales pour préparer les négociations relatives à un accord de performance collective ou à un plan de sauvegarde de l’emploi.

En outre, le recours à un expert-comptable est expressément prévu en vue de l’examen du rapport relatif à la réserve spéciale de participation 7.

Les frais d’expertise pour la mission de contrôle de la RSP

En cas de recours à un expert-comptable, se pose la question de la prise en charge des honoraires de celui-ci dans la mesure où l’article D 3323-14 du Code du travail renvoie à l’article L 2325-35 qui n’existe plus car abrogé 8.

C’est désormais l’article L 2315-809 du Code du travail qui fixe les modalités de financement des différentes expertises : « Lorsque le comité social et économique décide du recours à l’expertise, les frais d’expertise sont pris en charge :
1° par l’employeur concernant les consultations prévues par les articles L. 2315-88, L. 2315-91, au 3° de l’article L. 2315-92 et au 1° de l’article L. 2315-94 ainsi qu’au 3° du même article L. 2315-94 en l’absence de tout indicateur relatif à l’égalité professionnelle prévu à l’article L. 2312-18 ;
2° par le comité, sur son budget de fonctionnement, à hauteur de 20 %, et par l’employeur, à hauteur de 80 %, concernant la consultation prévue à l’article L. 2315-87 et les consultations ponctuelles hors celles visées au deuxième alinéa ;
3° par l’employeur concernant les consultations mentionnées au 2° du présent article, lorsque le budget de fonctionnement du comité social et économique est insuffisant pour couvrir le coût de l’expertise et n’a pas donné lieu à un transfert d’excédent annuel au budget destiné aux activités sociales et culturelles prévu à l’article L. 2312-84 au cours des trois années précédentes».

Manifestement, un éclaircissement de la part du législateur serait la bienvenue en raison du renvoi de l’article D 3323-14 du Code du travail sur un article …qui n’existe plus. A la lecture de l’article L 2315-80 du Code du travail, doit-on considérer que la mission de l’expert-comptable relative à la réserve de participation relève d’une consultation ponctuelle visé par le 2° dudit article ou bien peut-elle être réalisée dans le cadre de la mission sur la situation économique et financière puisque cette mission porte sur tous les éléments d’ordre économique, financier ou social nécessaires à la compréhension des comptes et à l’appréciation de la situation de l’entreprise 10 ?

En tout état de cause, et dans un souci de dialogue social effectif, il est toujours possible dans le cadre d’un accord, par sécurité juridique, de demander une prise en charge totale par l’employeur pour cette mission spécifique.

 

Remarque : dans la pratique, cette mission légale était traitée différemment par les experts-comptables. Soit elle était traitée comme une mission légale à part entière, soit elle était traitée comme une question accessoire dans la mission annuelle sur les comptes de l’entreprise. De fait, le sujet devenait soit principal dans une mission légale et l’ensemble des points sur la participation était analysé, soit le sujet était accessoire et était traité comme un point de l’analyse des comptes et de ce fait le contrôle pouvait simplement se limiter à la vérification du calcul de la réserve.

 

L’accès aux documents de l’employeur

Dans le cadre de cette mission, l’expert-comptable a accès aux mêmes documents que le commissaire aux comptes de l’entreprise 11. Aussi, il est autorisé notamment à demander les documents suivants :

  • le calcul détaillé de la participation par la direction ainsi que les pièces justificatives des montants inscrits dans la formule (comme les mouvements de provisions non déductibles fiscalement ; tableau des mouvements des provisions ; tableau de calcul du résultat fiscal ; compte de résultat…) ;
  • l’attestation du commissaire aux comptes ou de l’inspecteur des finances publiques ;
  • l’accord de participation et ses avenants ;
  • les écritures comptables mouvementant les comptes de participation ;
  • le tableau de répartition individuelle de la participation ;
  • les résultats de la gestion du fonds communs de placement et l’évolution des parts investies.

Le rapport de l’expert-comptable dans le cadre de la mission légale RSP

Le rapport a pour objectif de permettre au CSE de comprendre les mécanismes de calcul du montant de la réserve spéciale de participation et de faire le lien avec les résultats de l’entreprise.
Il doit, de ce fait, comporter, outre un rappel de l’éventuel accord de participation en vigueur dans l’entreprise, une partie pédagogique définissant et explicitant les termes de la formule de calcul, la vérification des calculs et son avis.
La présentation de la vérification du calcul de la réserve spéciale de participation doit mettre en évidence l’incidence des différents paramètres de gestion de l’entreprise sur le montant final de la participation.
L’expert-comptable met, à cet égard, en valeur les éléments favorables ou défavorables aux salariés, les éléments récurrents ou non et détaille les éventuelles divergences relevées avec ses propres calculs.
Il porte en outre une appréciation sur les résultats de la gestion des sommes affectées collectivement. La mission prend fin avec la présentation par l’expert-comptable de son rapport au comité social et économique.

 

Paru dans « Revue Française de Comptabilité » Novembre 2019 N°536


* Réserve spéciale de participation.
1. Ord. 67-693 du 17 août 1967.
2. Art. L. 3322-2 du Code du travail.
3. Modifié par décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017, art. 3.
4. Modifié par décret n° 2017-1819 du 29 décembre 2017, art. 3.
5. Ce qui découlait de l’articulation des articles R 442-19 et L 434-6 du Code du travail abrogés.
6. Art. L 2315-78, L 2315-81, L 2315-87, L 2315-88, L 2315-91, L 2315-92, L 2315-94 du Code du travail.
7. Art. D 3323-14 du Code du travail.
8. Article abrogé par l’ordonnance 2017-1386 du 22 septembre 2017, art. 1.
9. Modifié par la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, art. 6 (V).
10. Art. L 2315689 du Code du travail.
11. Art. L 2315-90 du Code du travail.

 

 

08/12/2019 - Thierry Pottier et Gérard Lejeune